Sous la rubrique Journal de bord, vous trouverez un journal d'expérimentation du matériel de mise à niveau tenu par des enseignants d'un collège de Montréal à la session d'automne 2002. On y rapporte des applications pédagogiques tentées en classe avec succès, mais aussi des tâtonnements, des questionnements, voire des angoisses ou des impasses temporaires. N'hésitez surtout pas à contribuer à l'enrichissement de ce journal en nous faisant part, par courriel ou par téléphone (514) 873-7678, des sujets que vous voudriez y voir traités.
Premier contact avec les élèves. Les pionniers de la nouvelle grammaire, ceux qui - selon le programme du MEQ - auraient été les premiers à être formés avec cette nouvelle approche pendant leurs cinq années du secondaire, font leur entrée au collégial. Mais sont-ils réellement « neogram » ? Pour le savoir, un enseignant a fait le test suivant. Après avoir écrit une longue phrase au tableau, il a demandé aux élèves quel en était le sujet. Certains ont répondu par un seul mot ; d'autres ont d'abord cherché à savoir si la question portait sur le groupe sujet ou seulement sur son noyau. L'enseignant a ensuite demandé aux élèves comment ils s'y prenaient pour trouver le sujet d'une phrase. La moitié de la classe a dit poser les questions « Qu'est-ce qui ? » ou « Qui est-ce qui ? » alors que plusieurs ont affirmé utiliser la manipulation qui consiste à encadrer le présumé sujet par « c'est...qui » ou « ce sont...qui ». L'enseignant a enfin interrogé les élèves sur leur capacité à représenter la structure d'une phrase au moyen de l'arborescence. Bon nombre d'élèves ont dit se rappeler avoir « fait des arbres » pour représenter des GN ou des GV, mais seulement au début de leur cours secondaire. Conclusion de l'enseignant : Comme il fallait s'y attendre, la nouvelle grammaire a effectivement fait son entrée au secondaire, mais à des degrés divers, selon les enseignants et selon les écoles. Cette année sera donc exigeante, parce que les enseignants devront être « bilingues ».
Le cours est bel et bien en marche. On essaie de se servir du premier module des exercices produits par le CCDMD. Les élèves commencent à analyser des phrases ; les enseignants, à se poser des questions. On se demande comment on peut expliquer à l'élève ce qu'est une phrase syntaxique autonome avant de lui avoir appris comment découper la phrase en constituants majeurs. On se demande s'il ne vaudrait pas mieux enseigner d'abord la notion de constituants. On a l'impression que, pour beaucoup d'élèves, le repérage des phrases syntaxiques autonomes dans une phrase graphique est un exercice trop difficile. Voici le point de vue de Néogram. L'essentiel est de ne pas perdre de vue que, à la fin du module, il doit être clair pour l'élève que dans chaque phrase graphique se cache une ou plus d'une phrase syntaxique autonome ; qu'une phrase syntaxique autonome est ou bien construite à partir du modèle de base (on y retrouve alors les constituants majeurs, même si la phrase a été transformée - voir module II) ou bien construite selon l'une des quatre constructions particulières (non verbale, infinitive, à présentatif, impersonnelle). Il doit aussi être clair pour l'élève que, dans une phrase construite à partir du modèle de base, le sujet et le prédicat sont des constituants obligatoires alors que le complément de phrase (CP) est facultatif (et lorsqu'il est présent, il peut occuper plus d'une position). Comment enseigner à repérer le sujet ? En faisant prendre conscience des différentes compositions possibles du sujet : Et que faire de la grammaire du texte dans ce module ? Il est possible aussi de commencer le module par cette notion, Bref, il ne faut pas craindre de se fier à son instinct de pédagogue lorsqu'on utilise le nouveau matériel proposé.
Neogram apprend de diverses sources qu'enseigner la nouvelle grammaire est très difficile, que les exercices proposés dans le module I sont trop exigeants, que les élèves ne réussissent pas à faire ce qui leur est demandé. Est-ce vrai aussi dans vos classes ? Certains se demandent s'il ne vaudrait pas mieux commencer par des exercices plus faciles. Voici le point de vue de Neogram. Cependant, pour que le cours soit un véritable cours de mise à niveau, il faut qu'il prépare les élèves à la lecture d'oeuvres littéraires de tout genre et de toute époque. Quand un élève doit lire un poème de Ronsard ou de Gaston Miron, il importe qu'il sache quel est le sujet de chacune des phrases - qu'il y ait inversion ou non, expansions ou non. Comment l'élève peut-il nommer (preuves à l'appui) le sujet (thème) de l'ensemble du texte s'il n'arrive même pas à mettre le doigt sur le sujet de chacune des phrases ? Faut-il commencer par des textes aussi difficiles ? Pas nécessairement. Mais quand un élève est inscrit en Mise à niveau en même temps qu'il suit son premier cours de littérature (cours jumelé), le temps presse et il faut rapidement en arriver à l'analyse de textes (et de phrases) dont le niveau de difficulté est assez élevé. Autre point : Quand l'élève écrit, et donc qu'il produit ses propres phrases, il va de soi que la ponctuation ne peut lui servir de guide pour lui indiquer si sa phrase est finie. C'est plutôt l'inverse qui se produit : c'est parce que l'élève sait que sa phrase est finie qu'il décide de mettre un point (ou un point-virgule ou un coordonnant, etc.). Or l'élève qui éprouve beaucoup de difficultés à délimiter les phrases syntaxiques autonomes dans un texte d'auteur a généralement autant de problèmes à faire le découpage dans ses propres écrits et donc à ponctuer correctement, à repérer les constituants, à appliquer les règles d'accord, etc. On ne peut donc s'en sortir ni par la voie de la facilité ni par celle de l'évitement. Pour qu'un élève puisse lire, comprendre et analyser des textes de niveau collégial (particulièrement des textes littéraires) et qu'il soit en mesure d'écrire des phrases syntaxiquement correctes et de niveau adulte (disons d'une longueur d'en moyenne 15 mots par P autonome), il faut qu'il saisisse, qu'il comprenne, qu'il sente, qu'il voie, qu'il sache ce qu'est une phrase syntaxique autonome. Ceci étant dit, il est vrai qu'en général les élèves peinent sur ce type d'exercices. Comment cela se passe-t-il dans vos classes ?
La session progresse, et certains enseignants se demandent où se trouvent les exercices d'accord et de ponctuation dans le matériel proposé. Le cours de mise à niveau serait-il maintenant axé uniquement sur la grammaire de la phrase et du texte ? Bien sûr que non. Il est d'ailleurs clairement formulé dans le devis ministériel que le cours doit, entre autres, amener l'élève à « respecter le code orthographique » (orthographe d'usage et grammaticale) et qu'au terme du cours, l'élève doit pouvoir « rédiger un texte cohérent et pertinent de 500 mots comportant un maximum de 28 erreurs d'orthographe, de grammaire, de syntaxe et de ponctuation ». (Guide pédagogique pour un cours de mise à niveau « nouvelle grammaire », p. 23-24) L'orthographe grammaticale et la ponctuation ont donc toujours bien leur place en mise à niveau. Ce que le matériel proposé a prévu à cet effet, c'est que l'enseignement -- ou la révision -- des règles d'accord et de ponctuation se fasse « au fil de l'apprentissage des notions de syntaxe et de grammaire du texte. Par exemple, c'est quand il apprend à analyser la phrase en constituants (sujet-prédicat-complément de phrase) que l'élève est appelé à observer différents cas d'accord du verbe avec le sujet et à revoir les règles de ponctuation associées au déplacement du complément de phrase. » (Guide pédagogique pour un cours de mise à niveau « nouvelle grammaire », p. 8) Cette approche n'exclut pas les exercices ciblés visant la maîtrise de l'application des règles, mais elle sous-entend que les seuls exercices ciblés ne pourraient permettre le transfert des habiletés en situation d'écriture. En clair, on invite d'abord l'élève (module I) à observer les phénomènes d'accord et de ponctuation dans des phrases ou des textes faisant l'objet d'études en grammaire de la phrase ou du texte. Par la suite (modules II et III), on l'amène à observer ces mêmes phénomènes dans ses propres textes (en situation de relecture). Dans les faits, il semble difficile de n'enseigner les règles d'accord qu'à partir de textes à l'étude, principalement parce qu'on n'y retrouve jamais tous les cas que l'on souhaiterait présenter. Pour cette raison, nous préparons actuellement un logiciel d'orthographe grammaticale, qui alliera dictées ciblées et exercices d'analyse. Dès sa parution, le logiciel sera envoyé dans tous les collèges. Pour ce qui est des règles de ponctuation, le simple fait d'observer l'emploi des signes dans des textes dont on étudie la grammaire de la phrase et de justifier chaque emploi en formulant la règle appliquée semble suffisant pour l'instant. Partagez-vous cet avis ?
Le nouveau devis ministériel pour le cours de mise à niveau est exigeant. Certes, ce cours a pour but d'amener l'élève à pouvoir répondre aux exigences d'entrée en lecture et en écriture au collégial de manière à le rendre apte à réussir ses cours au collège, plus particulièrement ses cours de littérature. Le cours de mise à niveau doit donc, pour bien remplir son rôle, permettre à l'élève de s'améliorer autant en lecture qu'en écriture. Tous s'entendent sur cet objectif nécessaire et louable. Mais voilà : dans les faits, les élèves sont parfois si faibles que, même avec un cours de mise à niveau de quatre heures par semaine, ils ne pourront progresser suffisamment en écriture (syntaxe, accords et ponctuation) si l'enseignant accorde une large place au développement des habiletés de lecture. Mais peut-on sacrifier la lecture au profit de l'écriture ? L'élève sera-t-il davantage en mesure de réussir ses cours de littérature s'il ne fait pas de fautes ou s'il comprend ce qu'il lit ? Poser la question, ce n'est malheureusement pas y répondre ! Et les choix sont difficiles à faire. Et que faire de l'enseignement (et de l'apprentissage !) de la grammaire du texte ? Les notions de grammaire textuelle sont très éclairantes, autant pour la compréhension des textes (littéraires ou autres) que pour la rédaction. Doit-on sacrifier tout cet aspect de la matière au profit de l'enseignement des règles de syntaxe, d'accord et de ponctuation ? Peut-on, au contraire, sacrifier l'enseignement de l'orthographe grammaticale ? À vouloir tout faire dans une même session, certains enseignants s'épuisent. Les élèves progressent, certes, mais à quel prix ! Il faudra se pencher sur la facon d'organiser la matière de manière plus graduée et plus réaliste, ce qui, il va sans dire, conduira à laisser à d'autres (pourquoi pas aux enseignants du 101 ?) ce qui ne pourra être couvert en mise à niveau. Après tout, la grammaire du texte est peut-être bel et bien un apprentissage de niveau collégial, à intégrer dans les cours réguliers. Partagez-vous cet avis ?
Le travail rigoureux en analyse de la phrase et du texte semble commencer à porter fruit. Certains enseignants constatent à quel point l'analyse syntaxique et textuelle permet de révéler les faiblesses des élèves en lecture et, souvent, de mettre le doigt sur ce qui ne va pas (difficulté à repérer le verbe de la phrase matrice - - autour duquel la P autonome est bâtie - , difficulté à repérer le sujet, à nommer le référent d'un pronom de reprise, etc.) D'autres notent une amélioration en écriture (accords mieux compris, ponctuation associée aux perturbations syntaxiques, cohérence textuelle accrue, etc.) Ces premiers résultats sont encourageants.
La session tire à sa fin. Les élèves, gorgés de grammaire de la phrase, savent mieux qu'avant repérer les P autonomes dans une phrase graphique, et analyser chaque P autonome. Les erreurs de syntaxe se font de plus en plus rares, sauf chez les allophones, pour qui l'usage des prépositions et des conjonctions demeure encore problématique. Pour eux, il faudrait prévoir une immersion en français écrit, la seule connaissance des règles de construction de phrase ne pouvant suffire. Certains enseignants s'apprêtent à utiliser les exercices de maturation syntaxique (module III). Ils sont un peu inquiets : leurs élèves sont-ils maintenant aptes à élaguer leur texte, à utiliser l'ellipse, à fusionner des phrases ? D'autres enseignants ont plutôt choisi de travailler davantage la grammaire du texte. Les notions de reprise et de progression de l'information leur apparaissent claires et profitables, mais leurs élèves sauront-ils les utiliser de manière efficace ?
Les enseignants tracent un premier bilan. Ils constatent que le cours de mise à niveau nouvelle grammaire, fondé sur la grammaire de la phrase et du texte, remplace avantageusement le cours traditionnel : l'élève comprend mieux la langue qu'il lit et qu'il écrit ; l'enseignant a le sentiment de mieux préparer ses élèves aux cours de français du collégial. De manière générale, on ne souhaite pas revenir en arrière. Cependant, les élèves écrivent-ils vraiment mieux ? Ont-ils, par exemple, atteint la fréquence d'erreurs inscrite dans le devis ministériel ? Il faudra attendre à la prochaine session, lorsque les résultats de l'examen final seront connus, pour pouvoir y répondre.
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